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Des seringues infectées par le sida dans les cinéma ? Des araignées dans les Yuccas ? Des micro-ondes tueurs ? George W. Bush en contact direct avec les extra-terrestres ? Des crocodiles dans les égouts de New York ? Des lémuriens cachés parmi nous ? Procter et Gamble une secte satanique ? On n’en finirait plus de lister les rumeurs qui composent le bruit (sens latin de rumor) médiatique quotidien qui nous entoure qui fourmille de ces nouvelles où le réel côtoie l’imaginaire.
Du simple point de vue sociologique, la rumeur est la diffusion d’une information doublement illégitime au regard des discours conventionnels et des canaux d’information, et plus généralement de toutes les institutions délivrant une parole officielle (conciles, tribunaux, académies).
Mais pourquoi circule-t-elle si vite et si bien ?
Contrairement à ce qu’on peut penser, la rumeur a des vertus !
Trois vertus sociales
Elle valorise celui qui la transmet : Connaître une rumeur, c’est être le détenteur d’une information sensationnelle que les autres ne connaissent pas, et c’est, par-là, une façon d’occuper une place de « prophète » détenteur d’un certain pouvoir social, pouvoir éphémère mais tellement narcissisant ! C’est se mettre dans une place de domination sociale par la détention d’un savoir ignoré des autres.
Elle accentue la cohésion du groupe : Connaître LA rumeur en cours est un moyen d’identification au groupe, au même titre que peuvent l’être des rituels, des codes langagiers ou vestimentaires. Le groupe se construit ainsi une identité en interne (ceux qui savent) et par opposition avec les autres (ceux qui ne savent pas). Et plus les rumeurs circulent, plus le groupe est fusionnel car il donne un sentiment rassurant de partage des connaissances. Ce partage culturel et émotionnel renforce l’idée de ressemblance et donc de cohésion.
Elle explique l’inexplicable : Face à des choses et à des actes quasiment incompréhensibles, il nous est nécessaire de recréer de la logique et de l’explicable. Du coup, la rumeur fait partie de l’arsenal disponible pour rétablir ce contrôle sur les événements. Elle apparaît comme un outil explicatif d’une réalité. C’est dans cette mesure qu’elle rassure, car elle a le mérite de proposer une explication, si irrationnelle soit-elle : l’absence d’explication est intolérable au point que les croyances apparaissent là où la raison et le savoir scientifique sont inefficaces ou inaccessibles.
Comment démentir ?
Un démenti circule beaucoup moins bien et moins vite que la rumeur elle-même. Moins sensationnel il vient finalement dire aux gens qu’ils ont eu tort. D’autre part, le démenti n’est pas toujours diffusé au bon moment : s’il est trop précoce, il éveille des soupçons, et s’il est trop tardif, la rumeur est bien trop solide et ancrée pour être bousculée.
Ensuite, le démenti n’a pas toujours la capacité de prouver que la rumeur est fausse : soit la preuve existe mais cela passe par une démonstration scientifique fort complexe, soit la preuve n’existe pas et les deux versions s’opposent sans que la crédibilité des uns prenne le pas sur celle des autres.
Enfin, le démenti a un effet parfois pire que le fait d’être simplement inefficace. En effet, on peut voir apparaître un effet boomerang. C’est le cas quand c’est le démenti lui-même qui déclenche ou accroît la portée de la rumeur. Une étude réalisée auprès des lycéens sur la toxicité supposée des timbres-tatouages de Malabar a montré que près de 21 % des jeunes interrogés qui ne croyaient pas à la rumeur avant la lecture du démenti en ont été convaincus par le contenu même du démenti !
Bref, s’il n’y pas de solution, comment faire ?
Sur le web, la fausse information est multiforme. Elle nourrit les théories conspirationnistes les plus sophistiquées. Elle se fait aussi divertissement, sur des sites parodiques à l’instar du Gorafi. Elle sert les stratégies de communication des marques comme Carambar qui s’est ri du web en laissant croire que les blagues de ses bonbons allaient prendre des vertus pédagogiques. La rumeur se fait tour à tour scoop, photo truquée, mobilisation bidon…
Du coup, pour les entreprises, la tentation peut être grande de considérer la rumeur comme un fantastique média, puissant et gratuit. Il n’est donc pas surprenant que les annonceurs veuillent l’instrumentaliser afin de propager des messages de toutes sortes : messages commerciaux, messages destinés à accroître la notoriété d’une marque, d’une entreprise, d’une personne… Après tout, entre rumeur, buzz et marketing viral, les frontières sont ténues.
Nombreuses sont les marques qui ont lancé une rumeur (ou un bad-buzz, comme on voudra) pour faire parler d’elles, participant d’une même méthodologie, consistant d’abord à susciter l’indignation sur des thèmes sensibles comme le féminisme, l’écologisme, la justice, l’égalité, la nostalgie. Ensuite, à alimenter le feu en suscitant plus d’engagements sur les réseaux sociaux. Enfin, à faire passer des messages, à vanter un produit, avec à l’appui une caution (une institution, une valeur de marque…).
Si ces stratégies peuvent sembler, a priori, rentables, elles n’en demeurent pas moins une arme très risquée et à double tranchant. Il est donc primordial de toujours garder à l’esprit que le bouche-à-oreille se propageant maintenant à toute vitesse, peut aussi bien créer des succès instantanés – mais fugaces – que des échecs retentissants !