Le Bauhaus, cent ans d’inspirations et d’héritage

Le Bauhaus fête aujourd’hui ses 100 ans. L’héritage de sa pensée a eu une telle influence sur le design, l’architecture, l’imprimerie, les arts de la scène, la décoration que nous n’avons pas forcément conscience de son importance. Et pourtant !

Fondée à Weimar au sortir de la Première Guerre mondiale, l’école du Bauhaus est d’abord une réponse humaniste à l’ampleur jusqu’alors inégalée des atrocités de la Grande Guerre. Lorsque la République de Weimar est proclamée en 1919, l’architecte Walter Gropius s’installe dans ce haut lieu de la culture allemande et fusionne les écoles des Beaux-Arts et des arts appliqués pour créer une seule et même institution : le Bauhaus. Sa vocation ? S’ouvrir à toutes les couches de la population, constituer un lieu d’expérimentation et intégrer l’art à la vie quotidienne. Sa devise ? « La forme suit la fonction ». Dans le manifeste de l’école de l’origine, Gropius déclare « Nous voulons, concevons et créons ensemble la nouvelle construction de l’avenir, qui embrassera tout en une seule forme : architecture, art plastique et peinture ».

Gropius parvient à réunir les plus grands artistes de son temps autour de ce projet. Ainsi, des maîtres de l’envergure de Paul Klee et Vassily Kandinsky vont enseigner dans l’école tout au long de ses 14 années d’existence. Si Walter Gropius se refuse à définir un « style Bauhaus », les membres du mouvement sont rassemblés autour d’une même idée : la révolution industrielle du XIXe siècle ayant changé le monde, il faut désormais s’approprier les techniques et les matériaux modernes pour les mettre au service de l’humain et de son environnement.

L’école s’empare donc de matériaux tels que le béton, l’acier et le verre pour construire des ouvrages minimalistes et fonctionnels, alliant formes géométriques et couleurs primaires. Toutes les disciplines de l’école sont mises à contribution et placées au même niveau. Le Bauhaus rend au travail manuel et à l’artisanat ses lettres de noblesse en les plaçant au centre de son enseignement. Les architectes, les peintres et les sculpteurs travaillent ainsi main dans la main pour bâtir une œuvre architecturale « totale » : ateliers de métal, de poterie, de menuiserie et de meubles, de textile, de verre et de peinture murale, enfin de théâtre, font la pluridisciplinarité de l’enseignement proposé, ainsi que le point fort de l’École. Un objectif clé, qui déterminera fondamentalement le futur du design d’objets et de meubles, fut la volonté de détruire la supposée contradiction entre art et industrie.

L’école déménage à Dressau-Roßlau en 1925, puis à Berlin en 1932, chassé par les gouvernements locaux. En 1933, Mies van der Rohe, le célèbre architecte alors directeur de l’école, est forcé de prononcer la dissolution du Bauhaus dû à la censure et la pression des nazis.

L’esprit du Bauhaus ne meurt pas pour autant : en fuyant l’Allemagne, les professeurs et étudiants se disséminent aux quatre coins du monde et notamment aux Etats-Unis, où ils diffusent leurs idées. Ils lèguent ainsi un patrimoine immense dont les architectes et designers contemporains continuent de s’inspirer.

Aujourd’hui, l’esprit du Bauhaus est partout. Partout où il est avant tout question de recherche de sens et de rationalité et de rejet du superflu et du décoratif : de la pureté du smartphone (« la forme suit la fonction » !) au flat design, des meubles fonctionnels et sans ornementations inutiles d’Habitat ou d’Ikea à la rigueur calculée des architectures de Philippe Stark ou de Jean Nouvel.

Cent ans après sa création, le Bauhaus n’a finalement jamais été aussi vivant et aussi jeune.